Il est primordial
mais pas central. D’abord, une précision : il ne
s’agit évidemment pas de dire qu’on veut dissoudre
l’individu dans le groupe, ou une quelconque horreur
de ce genre. Non, nous accordons une réelle importance
à nos envies, à nos aspirations, aux droits de chacun
d’entre nous, et surtout nous veillons à respecter
tout ce qui relève du privé, de l’intime.
En
un mot, nous restons individualistes mais il faut bien
s’entendre sur ce mot : individualisme ne
signifie pas égoïsme et ne s’oppose pas à
collectivisme. Encore une fois, nous défendons l’idée
que nous nous construisons par nos appartenances à
divers groupes - qui nous sont hélas le plus souvent
imposés – par nos relations avec ceux qui nous
entourent – qui sont hélas le plus souvent
hiérarchisées, et que nous ne sommes pas au centre du
monde, que nous devons prendre en compte notre
environnement naturel et social. Pour nous, c’est ça
faire de la politique : considérer que tout est
relationnel et agir pour éviter les rapports de force
et les hiérarchies entre nous, favoriser la solidarité
plutôt que la concurrence, le consensus plutôt que
l’obéissance, donner du sens à l’ensemble quitte à
être moins « efficaces ». Certains appellent
ce fonctionnement de l’autogestion, un mot valise dont
l’ambiguïté a servi d’appui, tour à tour, aux
politiques Yougoslaves des années 1970, à la CFDT
d’avant sa fusion-acquisition par le MEDEF, et
jusqu’aux mouvements dits d’éducation populaire, c’est
à dire en gros toutes ces associations qui font de
l’animation de groupe et qui se tiennent à l’écart de
toute production matérielle.
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Nous
avons
conscience que c’est très difficile à entendre dans
nos sociétés où l’individu est au centre. C’est même
cette centralité qui est censée garantir notre liberté
individuelle. Mais c’est de la pure idéologie, une
croyance en la toute puissance de l’Homme qui ne fait
que flatter sa vanité. La contrepartie est pourtant
terrible, source d’une aliénation désastreuse : une
agriculture, à l’image de la société,
ultra-productiviste, écologiquement insensée, où peut
sévir l’exploitation la plus crue, l’isolement et le
sentiment d’impuissance qui l’accompagne, la
concurrence qui étouffe la solidarité et rend chacun
responsable des problèmes qui s’abattent sur lui… Le
tout sous le regard repus de la FNSEA véritable
synthèse de ce que le système capitaliste peut
produire de plus vicelard au niveau
« syndical ».
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Autre précision importante : nous
ne vivons pas en autarcie, bien au contraire. Nous
essayons de multiplier les rencontres, les échanges,
avec d’autres groupes, d’autres réseaux, qu’ils soient
locaux, professionnels, associatifs ou autre… Et puis
nous avons bien conscience que nous sommes intégrés,
bon an mal an, dans un environnement, disons
capitaliste ou néolibéral, à l’échelle locale,
nationale et même mondiale (nous avons été confinés
comme la moitié des habitants de la planète). Notre
petite économie s’intègre dans une économie
capitaliste qui nous dépasse et nous englobe, mais
nous essayons tout de même de ne pas la réduire à ça.
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